Stéphany Orain Pelissolo, Psychologue-psychothérapeute. TCC, Thérapie des schémas, ACT, EMDR, MBCT, MBSR – Superviseur TCC et MBCT, formatrice d’instructeurs MBCT agréée par le Prof. Zindel Segal, enseignante à l’AFTCC . www.mbct-france.fr
Le biologiste américain Jon Kabat-Zinn a créé le protocole MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction) dans les années 70. Dans sa clinique du stress, les médecins lui envoyaient les patients trop en souffrance pour lesquels ils ne pouvaient plus rien, raconte la psychothérapeute Stéphany Orain-Pelissolo. Il a donc conçu son programme MBSR pour aider ces personnes à vivre avec leur douleur. Le protocole MBCT (Mindfulness-Based Cognitive Therapy), est une adaptation du protocole MBSR pour accompagner les personnes souffrant de douleurs chroniques ou neuropathiques.
Jon Kabat-Zinn a laïcisé la pratique de cette méditation pour la proposer à des fins thérapeutiques dans sa clinique du stress. Il est parti du constat que le fait de ne pas réussir à accepter sa maladie, bien entendu a fortiori dans le cas de maladies chroniques, générait un stress supplémentaire, source de dépressions, de troubles anxieux, etc… Il a donc travaillé sur l’acceptation de la douleur, qu’elle soit physique ou psychique. C’est la raison pour laquelle la méditation ne guérit pas les maladies, mais permet de mieux vivre avec. En outre, la méditation va permettre également de rééduquer notre attention par rapport aux douleurs éventuelles afin de ne pas « focaliser » sur cette douleur, ce qui bien souvent a tendance à l’augmenter. Grâce à la méditation, on apprend à « dé-zoomer » par rapport à cette douleur pour découvrir ou re-découvrir que dans leur corps, il n’y a pas que cette douleur et qu’il y a d’autres parties du corps où c’est calme et bon de porter son attention. Être présent à l’ensemble des sensations du corps va entraîner un effet de « dilution » de la douleur pour la rendre finalement tolérable.
De plus en plus de personnes sont aujourd’hui formées à ces programmes MBSR et MBCT en Europe (pour trouver un praticien, voir l’annuaire de l’ADM, l’Association pour le développement de la Mindfulness) et l’annuaire de la MBCT.
Stéphany Orain Pelissolo, extrait de son livre : Étreindre votre douleur, éteindre votre souffrance.
L’approche que je vous propose est ancrée à la fois dans les pratiques méditatives (MBSR, MBCT) et les pratiques psychothérapeutiques (thérapie cognitive, thérapie des schémas).
Pourquoi les associer ?
Dans le travail psychothérapeutique, on constate très souvent que nos patients sont accrochés à leur passé douloureux ou à leur douleur actuelle ; y revenir sans cesse entretient leur souffrance et les empêchent d’agir dans l’instant présent suivant une direction bonne pour eux.
Dans leur cas, la méditation de pleine conscience permet de :
C’est un grand pas en avant de pouvoir permettre à la douleur d’être ce qu’elle est et de rester présent à sa résonance corporelle.
Une fois la douleur accueillie, qu’en faisons-nous ? Comment continuer à vivre avec elle ?
Comme nous l’avons vu, la douleur est inhérente à la condition humaine et très souvent, elle est présente pour signaler un besoin fondamental qui n’est pas respecté. De plus, une douleur actuelle peut réactiver une douleur passée, et tant que celle-ci ne sera pas conscientisée, elle se réactivera dans l’instant présent.
D’où le choix que j’ai fait d’associer la méditation de pleine conscience à la thérapie des schémas développés par Jeffrey Young et dont je vous ai déjà parlé dans la première partie.
Dans certaines pratiques de méditation seront donc présents les concepts de schémas, de ressources, de stratégies pour survivre, de besoins affectifs fondamentaux et de travail avec son enfant intérieur.
La méditation de pleine conscience, par ses principes actifs, facilite le processus thérapeutique qui s’appuie sur la thérapie des schémas.
En quoi la pratique de la thérapie basée sur la pleine conscience va vous aider dans votre vie de tous les jours ?
Souvent quand nous sommes tristes, angoissés ou en colère, nous avons peur que ces émotions pénibles durent et nous commençons à monologuer à propos de cette peur :
En temps normal, celle-ci est involontaire et se dirige vers tout ce qui peut la distraire. Nous allons donc l’entraîner à se désengager des pensées et des images mentales qui la distraient et l’éloignent de l’ici et maintenant pour la rediriger de manière intentionnelle là où nous le souhaitons.
La seconde étape va consister à apaiser notre esprit pour y voir plus clair. L’intention ici consiste à maintenir son attention dans les sensations corporelles qui sont en lien avec l’inspiration et l’expiration. Attention : il ne s’agit pas d’observer, d’analyser, de contrôler sa respiration, car ce serait repartir dans le mental, il s’agit plutôt d’une expérience sensorielle : vous devenez votre corps qui respire. Cette étape est fondamentale pour développer la pleine conscience, c’est-à-dire une attention pleine, élargie, curieuse et fluide.
Ces deux premières étapes demandent de la ténacité, de la stabilité ainsi que de la bienveillance.
Cette base étant établie, vous allez pouvoir ouvrir le champ de votre attention et être présent à de nombreuses facettes de votre expérience sur un plan sensoriel.
Souvent nous n’avons conscience que de l’accumulation des événements sur un plan conceptuel. Or ce sont justement ces histoires que nous raconte notre cerveau au sujet de ce que nous vivons qui nous rendent malheureux et nous font perdre le contact avec nous-mêmes, avec ce qui est bon pour nous, avec nos valeurs.
Pour arrêter l’agitation de l’esprit, il faut donc d’abord le connaître afin d’accéder à la compréhension de ce qui s’y passe. Il est également important d’y être présent maintenant, car c’est ici que tout peut changer ; ce n’est ni hier ni demain.
La méditation de pleine conscience permet aussi d’apprendre à connaître ses émotions et à ne plus en avoir peur.
Nous pouvons expérimenter que nos émotions sont passagères si nous arrivons à les accueillir avec « bienveillance », c’est-à-dire sans enclencher la machine à penser et sans chercher à les chasser, mais en essayant de les ressentir dans notre corps et de respirer avec ces sensations, parfois désagréables, mais qui, finalement, passent d’elles-mêmes.
Accueillir la sensation physique désagréable liée à une émotion pénible permet de prendre conscience de son état et de prendre soin de soi, comme nous prendrions soin de la douleur d’un proche.
Si un ami vous dit qu’il est triste, lui répondrez-vous que ce n’est rien, le laissant souffrir seul ? Non ; vous l’inviterez probablement à vous parler de ce qui ne va pas, vous le prendrez peut-être dans vos bras, vous accueillerez sa souffrance.
Il est normal d’être triste dans certaines situations et cette tristesse passe naturellement avec le temps.
Pour des raisons physiologiques, toutes les émotions, positives ou négatives, sont transitoires si rien n’entrave leur flot naturel. C’est pour cela également qu’il est indispensable de savoir profiter de l’instant présent en savourant, jour après jour, ce que la vie nous offre de positif. Il ne sert à rien d’attendre tel ou tel événement pour s’autoriser à être heureux : trop d’obstacles risquent de rendre cette attente infinie.
L’état de bien-être est beaucoup plus dû à la somme des petits bonheurs qu’à des bonheurs très intenses, qui sont plus rares au cours d’une vie.
L’acceptation de cette réalité, qui est une des clés de la démarche de méditation, permet de concentrer son énergie sur les moments positifs et de mieux surmonter les moments négatifs.
La méditation de pleine conscience s’adresse à chacun d’entre nous, mais tout particulièrement à ceux qui souffrent d’anxiété ou de dépression. Ces états empêchent d’être dans l’instant présent (regrets, ruminations, anticipations anxieuses, etc.), les personnes s’accrochant à leurs pensées négatives et se laissant submerger par elles et par leurs émotions. Mais certains processus sont communs à toutes les souffrances.
Que vous souffriez de tristesse, d’anxiété, de douleurs physiques, de stress ou d’accès de colère, votre attention sera ainsi en permanence attirée par vos maux ; vos pensées deviendront alors votre réalité, ce qui ne fera qu’augmenter votre ressenti émotionnel désagréable. En pratiquant la méditation de pleine conscience, vous apprendrez à entraîner votre attention à se porter sur l’instant présent, et non pas à boucler sur votre souffrance. Vous pourrez ainsi prendre du recul par rapport à vos pensées et comprendre qu’elles ne reflètent en rien la réalité, qu’elles ne sont qu’une création de votre esprit, dépendantes de l’état émotionnel dans lequel vous vous trouvez.
Cette distance d’avec vos pensées vous permettra d’accueillir et réguler vos émotions.
La méditation de pleine conscience n’étant pas uniquement un exercice attentionnel, ce rendez-vous quotidien avec soi-même va vous permettre aussi d’apprendre à connaître vos pensées, vos schémas de réactivité, vos états d’âme, vos douleurs les plus profondes, vos besoins, vos limites, en prenant la responsabilité d’accepter votre expérience telle qu’elle est (agréable, désagréable ou neutre), en étant curieux et sans jugement par rapport à celle-ci…